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CP 01999 Marcel Proust à Reynaldo Hahn [le 17 ou le 18 juillet 1909]

Surlignage

1

Bonjour, Metmata

Bunibuls comme rien n’est
plus commode et « à proximité »
comme bibliothèque qu’un
lit quand on ne se lève pas,
je relis tout le temps « faute
d’autre chose » (non, buncht,
par prédilection) vos divins ar-
ticles dont l’esprit m’enivre,
la rosserie me donne des transes
et le talent une jalousie infinie
mais sans aigreur. Buncht,
étranges relations cette semaine


2

avec « l’Elisabeth ». Je reçois
l’autre jour sous une même
enveloppe deux lettres. L’une
du secrétaire de la dite me
disant que « Madame la Comtesse a
la plus profonde admiration pour
mon talent (!) et que si j’écrivais quelques
lignes sur Bagatelle, les personnes
qui pensent m’en sauraient gré etc.
L’autre lettre de l’El. me
disant que ... la même chose
et d’écrire quelques lignes comme je
le sens c’est à dire « exquisement
poétiques ». Peu habitué aux éloges
même intéressés je vous redis ceux-ci
tout au long en ajoutant même un
peu. Là-dessus refus navré de moi

3

mais ma santé, ai refusé à d’
autres personnes etc. Que croyez-vous
que fait l’E. Qu’elle insiste ?
nullement. Elle comprend mes
raisons et m’envoie .....
une vigne, une magnifique
vigne d’où pendent des raisins à
flots. Et me dit que si je
suis encore souffrant ces jours-ci
elle viendra me voir quand je
voudrai que je lui dise heure et
jour « espérant vous trouver
à la hauteur de votre vaillance »
(?) _ . La lettre était
fort littéraire avec des mots

4


tels que : « symbole parlant  ».
Mais parlant de la vigne elle
disait : « acceptez là » avec
un accent grave qui m’a
paru surtout grave pour elle
et qui est lui aussi un
« symbole parlant ».... Quant
à la vigne comme ici bas les
plus belles choses ont le
pire destin
, comme dit à peu
près Malherbe, je l’envoie
à Marie Nordlinger. Il est
probable qu’elle croirait qu’une
carte postale a plus de valeur.
Je voulais y joindre q. q roses pour
mettre le vers de Gérard « Le
pampre à la rose s’allie »
mais

5


j’ai réfléchi que celui de
Mallarmé « Quand des raisins
j’ai sucé la clarté »
ferait autant
d’effet et serait plus économi
que puisqu’il ne nécessite pas
de roses, et que les raisins y
sont.

Genstil « je crains que mon roman
sur le vieilch Ste-Veuve
« Ne soit pas, entre nous, très goûté
chez la Beuve. »
Mais tant pis. Genstil vous allez me
renboyer cette lettre et n’en dire mot
à qui que ce soit. J’ai beaucoup de sympathie
pour l’E (moins que pour Metmata)
de plus elle a été fort gentille et cela me


6


ferait beaucoup de peine s’il lui
revenait que j’ai fait ces plaisanteries
d’autant plus que je l’ai remerciée avec
prosternement. Or la Winaretta trou
verait cette histoire sur « la vigne » tout
à fait dans sa voix et la répéterait, la
Nlle Mise de Riponà qui j’ai envoyé des livres mais je ne lui
écris pas car je ne sais que lui dire,
qui déteste l’E et
aime Montesquiou la lui narrerait
et dans les cinq minutes l’E serait
avertie car Montesquiou maintenant qd
quelqu’un laisse échapper un mot contre
une autre personne le lui écrit instanta
nément
. Donc mystère, je m’épanche
avec vous comme je faisais avec Maman.
Mais elle ne racontait rien. Je ne
ferai plus demander de nouvelles de Madrazo
puisqu’il sort. Mais dites à votre sœur,
à lui et à Coco que je faisais demander chez vous

7

pour ne pas déranger mais que
je ne me suis pas désintéressé !
Ils doivent le croire.

Genstil Ste Geuve s’appellera

ou bien

« Contre Sainte Beuve ». Souvenir d’une matinée, ou
les Sept jeunes filles

ou bien

Quand les yeux se sont habituées à l’obscurité

Ou alors si je fais paraître en même temps les Plai-
sirs et les Jours
, ils ne s’appelleront plus les Plaisirs
et les Jours
mais « Premières années dans la Société
et dans la Solitude »
et Ste Geuve s’appellera
alors « Le Retour à la Solitude ».

Enfin je ne sais quelle épigraphe portera
Ste Beuve j’hésite entre

«  Je suis la Résurrection et la Vie  »

ou

« Paris est si petit », ou « Souvent un
beau désordre est un effet de l’art
 » . — . Comme
tout cela doit vous intéresser !

Hasgueu.

Surlignage

Bonjour, Metmata

Bunibuls comme rien n’est plus commode et « à proximité » comme bibliothèque qu’un lit quand on ne se lève pas, je relis tout le temps « faute d’autre chose » (non, buncht, par prédilection) vos divins articles dont l’esprit m’enivre, la rosserie me donne des transes et le talent une jalousie infinie mais sans aigreur. Buncht, étranges relations cette semaine avec « l’Elisabeth ». Je reçois l’autre jour sous une même enveloppe deux lettres. L’une du secrétaire de la dite me disant que « Madame la Comtesse a la plus profonde admiration pour mon talent (!) et que si j’écrivais quelques lignes sur Bagatelle, les personnes qui pensent m’en sauraient gré » etc. L’autre lettre de l’Elisabeth me disant que ... la même chose et d’écrire quelques lignes comme je le sens c’est-à-dire « exquisement poétiques ». Peu habitué aux éloges même intéressés je vous redis ceux-ci tout au long en ajoutant même un peu. Là-dessus refus navré de moi mais ma santé, ai refusé à d’ autres personnes etc. Que croyez-vous que fait l’Elisabeth. Qu’elle insiste ? nullement. Elle comprend mes raisons et m’envoie ..... une vigne, une magnifique vigne d’où pendent des raisins à flots. Et me dit que si je suis encore souffrant ces jours-ci elle viendra me voir quand je voudrai, que je lui dise heure et jour « espérant vous trouver à la hauteur de votre vaillance ». (?)

La lettre était fort littéraire avec des mots tels que : « symbole parlant  ». Mais parlant de la vigne elle disait : « acceptez là » avec un accent grave qui m’a paru surtout grave pour elle et qui est lui aussi un « symbole parlant ».... Quant à la vigne comme ici bas les plus belles choses ont le pire destin , comme dit à peu près Malherbe, je l’envoie à Marie Nordlinger. Il est probable qu’elle croirait qu’une carte postale a plus de valeur. Je voulais y joindre quelques roses pour mettre le vers de Gérard « Le pampre à la rose s’allie » mais j’ai réfléchi que celui de Mallarmé « Quand des raisins j’ai sucé la clarté » ferait autant d’effet et serait plus économique puisqu’il ne nécessite pas de roses, et que les raisins y sont.

Genstil « je crains que mon roman sur le vieilch Ste-Veuve ne soit pas, entre nous, très goûté chez la Beuve. » Mais tant pis. Genstil vous allez me renboyer cette lettre et n’en dire mot à qui que ce soit. J’ai beaucoup de sympathie pour l’Elisabeth (moins que pour Metmata) de plus elle a été fort gentille et cela me ferait beaucoup de peine s’il lui revenait que j’ai fait ces plaisanteries d’autant plus que je l’ai remerciée avec prosternement. Or la Winaretta trouverait cette histoire sur « la vigne » tout à fait dans sa voix et la répéterait, la nouvelle Marquise de Riponà qui j’ai envoyé des livres mais je ne lui écris pas car je ne sais que lui dire, qui déteste l’Elisabeth et aime Montesquiou la lui narrerait et dans les cinq minutes l’Elisabeth serait avertie car Montesquiou maintenant quand quelqu’un laisse échapper un mot contre une autre personne le lui écrit instantanément. Donc mystère, je m’épanche avec vous comme je faisais avec Maman. Mais elle ne racontait rien. Je ne ferai plus demander de nouvelles de Madrazo puisqu’il sort. Mais dites à votre sœur, à lui et à Coco que je faisais demander chez vous pour ne pas déranger mais que je ne me suis pas désintéressé ! Ils doivent le croire.

Genstil Ste Geuve s’appellera

ou bien

« Contre Sainte Beuve ». Souvenir d’une matinée, ou les Sept jeunes filles

ou bien

Quand les yeux se sont habitués à l’obscurité

Ou alors si je fais paraître en même temps les Plaisirs et les Jours, ils ne s’appelleront plus les Plaisirs et les Jours mais « Premières années dans la Société et dans la Solitude » et Ste Geuve s’appellera alors « Le Retour à la Solitude ».

Enfin je ne sais quelle épigraphe portera Ste Beuve j’hésite entre

«  Je suis la Résurrection et la Vie  »

ou

« Paris est si petit », ou « Souvent un beau désordre est un effet de l’art  » .

Comme tout cela doit vous intéresser !

Hasgueu.

Note n°1
Proust rédige cette lettre peu après une autre lettre à la comtesse Greffulhe (CP 01998 ; Kolb, IX, nº 73) datée « Vendredi » de sa main, qu’un ensemble d’éléments permet de dater avec précision du vendredi [16 juillet 1909]. Comme il raconte ici à Reynaldo Hahn son échange de lettres avec cette dernière « cette semaine », il doit écrire samedi ou dimanche [le 17 ou 18 juillet 1909]. Sur la datation, voir aussi les notes 15 et 16. — Ph. Kolb nʼa publié que les pages 1 à 6 de cette lettre, correspondant à trois feuillets retrouvés dans les papiers de Reynaldo Hahn. Le dernier feuillet, paginé « 7 » de la main de Proust, a quant à lui été retrouvé parmi les papiers de lʼécrivain après sa mort. Bien que Proust demande à Hahn de lui « renboyer cette lettre », les six pages publiées par Kolb, étant donné leur provenance, ne semblent pas avoir été renvoyées par le destinataire ; mais la provenance du feuillet manquant paginé « 7 » établit hors de tout doute que Hahn, s’il a bien reçu ce dernier feuillet, ne l’a pas gardé. Comme les trois feuillets publiés par Kolb, le feuillet retrouvé comporte au milieu une trace de pliure, ce qui suggère qu’il a bien été inséré dans une enveloppe et expédié. Il est possible que Reynaldo Hahn ait renvoyé le dernier feuillet à Proust, ou encore qu’il le lui ait rapporté en personne lors d’une visite. Il n’est cependant pas exclu que Proust ait conservé par-devers lui le feuillet après l’avoir plié, sans l’envoyer. Voir F. Proulx, « Une page retrouvée de la lettre à Reynaldo Hahn du [17 ou 18 juillet 1909] », BIP, 2025. [PK, FP, JA]
Note n°2
Proust ne distingue pas clairement entre a et e, ce qui nous empêche de savoir s’il a écrit « Metmata » ou « Matmeta ». [PK, FL]
Note n°3
On peut trouver des exemples dʼarticles publiés par Reynaldo Hahn à cette époque dans Fémina, périodique auquel il collabore depuis 1908 ; voir la lettre à Reynaldo Hahn datée du [jeudi 6 août 1908] (CP 01853 ; Kolb, VIII, n° 109, note 14). Depuis le 1er juin 1909, il publie également des articles dans le Journal ; voir la lettre à Reynaldo Hahn du [5 juin 1909] (CP 01981 ; Kolb, IX, n° 56, note 3). Dans un projet dʼarticle consacré à Reynaldo Hahn (non publié de son vivant), Proust le décrit comme un « écrivain de réel mérite » et ajoute à propos de sa critique dans le Journal qu’il [l’] exerce avec « infiniment de goût, d’autorité et d’éclat » (Essais, p. 411-412). [PK, FL, JA]
Note n°4
Lettre non retrouvée. [JA]
Note n°5
Il s’agit de la fête de Bagatelle organisée par la Société des Grandes Auditions de France, sous la présidence de la comtesse Greffulhe, le samedi 17 juillet 1909 (« Le Monde & la Ville », Le Figaro, 19 juillet 1909, p. 2). — En 1902 ou 1903, Proust avait écrit un article sur le salon de la comtesse Greffulhe dont elle avait interdit la publication ; voir la lettre à Antoine Bibesco du jeudi [16 avril 1903] (CP 00789 ; Kolb, III, n° 166 et note 11). Un brouillon de cet article a été publié par Laure Hillerin (La comtesse Greffulhe. L’ombre des Guermantes, Flammarion, 2014, p.459-465 ; voir aussi Essais, p. 368-375). [JA]
Note n°6
Lettre non retrouvée. [JA]
Note n°7
Voir la lettre de Proust à Mme Greffulhe datée de [peu avant le 15 juillet 1909] (CP 01997 ; Kolb, IX, n° 72). [PK, JA]
Note n°8
Allusion aux « Stances à monsieur du Périer, sur la mort de sa fille » (1599), de François de Malherbe : « Mais elle était du monde, où les plus belles choses / Ont le pire destin, / Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses, / L’espace d’un matin. » (Poésies, XI, vers 13 à 16, quatrième strophe). [PK]
Note n°9
Marie Nordlinger, cousine de Reynaldo Hahn, avait travaillé avec Proust sur ses traductions de Ruskin. [PK, JA]
Note n°10
Allusion au poème « El Desdichado » (Les Chimères, 1854) de Gérard de Nerval. « Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé, / Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie, / La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé, / Et la treille où le pampre à la rose s’allie ». Proust cite ce même vers dans une de ses lettres à Marie Williams (Lettres à sa voisine, édition de J.-Y. Tadié, Gallimard, 2013, p. 27). [PK, JA]
Note n°11
Il s’agit de la septième strophe de « L’Après-Midi d’un Faune » (1876) de Mallarmé : « Ainsi, quand des raisins j’ai sucé la clarté, / Pour bannir un regret par ma feinte écarté, / Rieur, j’élève au ciel d’été la grappe vide [...] ». [PK]
Note n°12
« Sainte-Veuve », par métathèse, pour Sainte-Beuve. Voir la note 19. [PK]
Note n°13génétique
« La Beuve », par métathèse, pour La Veuve, surnom qui dans la correspondance de Proust et Hahn désigne Madeleine Lemaire, un des modèles de Mme Verdurin. Son nom apparaît dans une note du Cahier 31 qui énumère différents modèles possibles : « Ne pas oublier les Verdurin (Ménard, Lemaire, Thomson, Derbanne, appartt) » (Cahier 31, f. 14 r). À cette période, Proust rédige les Cahiers 31, 7 et 6 qui contiennent plusieurs morceaux sur les Verdurin. En août 1909, il note dans le Carnet 1 : « Pas si ridicule le petit noyau des Verdurin. » (Carnet 1, f. 39r ; Cn, p. 99). [PK, FL, JA]
Note n°14
Voir la lettre de Proust à Mme Greffulhe du [16 juillet 1909] (CP 01998 ; Kolb, IX, n° 73). [PK]
Note n°15
Le lundi 19 juillet 1909, Reynaldo Hahn est à Londres ; dʼaprès un compte rendu mondain, la princesse Edmond de Polignac (née Winnaretta Singer) « a donné, lundi dernier, en son hôtel à Londres, une petite matinée musicale très intime, mais très intéressante » où plusieurs œuvres de Reynaldo Hahn étaient au programme, chantées par le compositeur lui-même (« Le Monde & la Ville », Le Figaro, 22 juillet 1909, p. 2). C’est certainement en connaissance de ce déplacement que Proust écrit à Hahn de lui renvoyer sa lettre et de « n’en dire mot à qui que ce soit ». [FP]
Note n°16
La comtesse de Grey était devenue marquise de Ripon par la mort de son beau-père, le 3 juillet 1909 (« on annonce de Londres la mort du marquis de Ripon à l’âge de quatre-vingt-deux ans », « Nécrologie », Le Gaulois, 11 juillet 1909, p. 2). [PK]
Note n°17
Raimundo de Madrazo y Garreta avait épousé en 1899 María Hahn, sœur du destinataire. Federico de Madrazo (dit Coco) est son fils, issu dʼun premier mariage. [PK, FP]
Note n°18
La version de la lettre publiée par Ph. Kolb sʼarrête ici. Voir la note 1. [FP]
Note n°19génétique
On découvre ici la plus ancienne mention du titre « Contre Sainte-Beuve » dans une lettre qui nous soit parvenue. Vers la [fin novembre ou la 1re quinzaine de décembre 1908], Proust confiait à Georges de Lauris avoir le projet dʼ« écrire quelque chose sur Sainte-Beuve », « deux articles » dont le second « débuterait par le récit dʼune matinée » (CP 01914 ; Kolb, VIII, nº 170 ; Lettres, nº 253), mais le mot « Contre » était absent de sa lettre. Le titre sera ensuite repris sous cette même forme (« Contre Sainte-Beuve, Souvenir d’une matinée ») dans une lettre à Alfred Vallette dʼ[un peu avant la mi-août 1909] (CP 02003 ; Kolb, IX, nº 78 ; Lettres, nº 273). C’est peut-être en août 1909, au moment où il rédige la lettre à Vallette pour lui proposer de publier son projet en cours (« j’aurais vivement souhaité que l’ouvrage parût d’abord en revue dans le Mercure, et alors si vous consentez à cela, peut’être du même coup consentiriez-vous à publier le livre ») que Proust demande à Reynaldo Hahn de lui renvoyer ou rapporter en main propre le dernier feuillet de la présente lettre, où il avait noté des titres potentiels. [FP]
Note n°20génétique
Allusion possible au livre d’Esther, où on lit : « La jeune fille [Esther] était belle de taille et belle de figure. À la mort de son père et de sa mère, Mardochée l’avait adoptée pour fille. Lorsqu’on eut publié l’ordre du roi [Assuérus] et son édit, et qu’un grand nombre de jeunes filles furent rassemblées [...], Esther fut aussi prise et conduite dans la maison du roi [...]. La jeune fille lui plut, et trouva grâce devant lui ; il s’empressa de lui fournir les choses nécessaires pour sa toilette et pour sa subsistance, lui donna sept jeunes filles choisies dans la maison du roi, et la plaça avec ses jeunes filles dans le meilleur appartement de la maison des femmes. Esther ne fit connaître ni son peuple ni sa naissance, car Mardochée lui avait défendu d’en parler. » (Esther, 2,7 à 2,10, trad. Louis Segond. Nous soulignons.) [FP]
Note n°21génétique
Allusion possible à une pièce de Maeterlinck, Les sept princesses (1891), dans laquelle le prince (Marcellus), de retour dans le château de sa famille, retrouve sept princesses endormies. Le motif des yeux (les yeux fermés des princesses et surtout la difficulté du prince à les voir) revient à de nombreuses reprises au cours de la pièce. La phrase de Proust nʼy figure pas, mais on trouve une phrase semblable : « Mes yeux ne sont pas encore faits à la lumière » (Maurice Maeterlinck, Les sept princesses, Bruxelles, 1891, Lacomblez, p. 34). Le titre « les sept jeunes filles » mentionné plus haut pourrait aussi faire référence à cette pièce. [JA]
Note n°22génétique
Le projet de rééditer Les Plaisirs et les Jours comme première partie d’un diptyque dont le « Contre Sainte-Beuve » romanesque du printemps-été 1909 serait la seconde nʼest mentionné dans aucune autre lettre de 1909 retrouvée à ce jour. Cette idée a-t-elle été envisagée sérieusement par Proust ? La mention, dans une lettre à Jean-Louis Vaudoyer de l’été 1910, d’une hypothétique réimpression des Plaisirs et les Jours (« si je réimprime le volume j’y laisserai des pages condamnées » ; CP 02129 ; Kolb, X, nº 77) ne semble pas vraiment aller dans ce sens. [FP]
Note n°23génétique
Allusion à Emerson, Society and Solitude (1870). Cet essai ne sera traduit en français par Marie Dugard qu’en 1911 (Ralph Waldo Emerson, Société et Solitude, trad. M[arie] Dugard, Paris, Armand Colin, 1911), mais Proust a pu en prendre connaissance par quelques passages traduits dans les Pages choisies publiées par celle-ci en 1908 (Lectures littéraires. Pages choisies des grands écrivains : Emerson, trad. et introd. M[arie] Dugard, Paris, Armand Colin, 1908). Dans le Carnet 1, on trouve des notes prises à partir d’un autre ouvrage, Ralph Waldo Emerson, sa vie et son œuvre, publié en 1907 par cette même spécialiste (M[arie] Dugard, Ralph Waldo Emerson, sa vie et son œuvre, Paris, Armand Colin, 1907 ; Carnet 1, f. 27v ; Cn, p. 79). Proust note aussi dans le même carnet, au début du mois dʼaoût 1909 : « ne pas oublier : Ecrivains solitude et Ecrivains société » (Carnet 1, f. 38r ; Cn, p. 97). [JA, FP]
Note n°24
Paroles de Jésus à Marthe (Jean 11, 25, trad. Louis Segond). Proust cite déjà lʼÉvangile selon Saint Jean en novembre et décembre 1908, dans deux lettres à Georges de Lauris à propos de son projet sur Sainte-Beuve (CP 01897 et CP 01911 ; Kolb, VIII, nº 153 et nº 167) : « Travaillez pendant que vous avez encore la lumière » (citation déformée de Jean 12, 35, « marchez pendant que vous avez la lumière »). [CSz, FP]
Note n°25
Cette idée reçue est peut-être citée d’après une pièce de boulevard ou une chanson de café-concert de l’époque, mais aucune attribution certaine ne semble possible. [FP]
Note n°26génétique
Citation déformée de LʼArt poétique de Boileau (1674). La citation exacte, au sujet de lʼode, est : « Chez elle un beau désordre est un effet de lʼart » (chant II, v. 72 ; Nicolas Boileau, Satires, Épîtres, Art Poétique, éd. Jean-Pierre Collinet, Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1985, p. 236). — Les trois épigraphes que Proust envisage dans la présente lettre, peut-être de façon désinvolte – tirées de l’Évangile selon saint Jean, dʼun traité de poétique du Grand Siècle, et possiblement d’une éphémère pièce de boulevard ou d’une chanson de café-concert de la Belle Époque – donnent à voir à la fois l’ambition grandissante de ce qu’il appelle déjà son « roman » et l’amplitude éclectique de ses sources. [CSz, FP]
Note n°27
Lecture conjecturale ; « Adieu », dans le « lansgage » qui caractérise la correspondance de Proust et Hahn. [FP]
Note
Marcel Proust Les Plaisirs et les Jours pubPlace publisher 1896


Mots-clefs :cadeauépistolaritégenèselansgage et codesmédisancepressereligion
Date de mise en ligne : September 17, 2024 15:18
Date de la dernière mise à jour : September 22, 2024 18:11
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Bonjour, Metmata

Bunibuls comme rien n’est
plus commode et « à proximité »
comme bibliothèque qu’un
lit quand on ne se lève pas,
je relis tout le temps « faute
d’autre chose » (non, buncht,
par prédilection) vos divins ar-
ticles dont l’esprit m’enivre,
la rosserie me donne des transes
et le talent une jalousie infinie
mais sans aigreur. Buncht,
étranges relations cette semaine


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avec « l’Elisabeth ». Je reçois
l’autre jour sous une même
enveloppe deux lettres. L’une
du secrétaire de la dite me
disant que « Madame la Comtesse a
la plus profonde admiration pour
mon talent (!) et que si j’écrivais quelques
lignes sur Bagatelle, les personnes
qui pensent m’en sauraient gré etc.
L’autre lettre de l’El. me
disant que ... la même chose
et d’écrire quelques lignes comme je
le sens c’est à dire « exquisement
poétiques ». Peu habitué aux éloges
même intéressés je vous redis ceux-ci
tout au long en ajoutant même un
peu. Là-dessus refus navré de moi

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mais ma santé, ai refusé à d’
autres personnes etc. Que croyez-vous
que fait l’E. Qu’elle insiste ?
nullement. Elle comprend mes
raisons et m’envoie .....
une vigne, une magnifique
vigne d’où pendent des raisins à
flots. Et me dit que si je
suis encore souffrant ces jours-ci
elle viendra me voir quand je
voudrai que je lui dise heure et
jour « espérant vous trouver
à la hauteur de votre vaillance »
(?) _ . La lettre était
fort littéraire avec des mots

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tels que : « symbole parlant  ».
Mais parlant de la vigne elle
disait : « acceptez là » avec
un accent grave qui m’a
paru surtout grave pour elle
et qui est lui aussi un
« symbole parlant ».... Quant
à la vigne comme ici bas les
plus belles choses ont le
pire destin
, comme dit à peu
près Malherbe, je l’envoie
à Marie Nordlinger. Il est
probable qu’elle croirait qu’une
carte postale a plus de valeur.
Je voulais y joindre q. q roses pour
mettre le vers de Gérard « Le
pampre à la rose s’allie »
mais

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j’ai réfléchi que celui de
Mallarmé « Quand des raisins
j’ai sucé la clarté »
ferait autant
d’effet et serait plus économi
que puisqu’il ne nécessite pas
de roses, et que les raisins y
sont.

Genstil « je crains que mon roman
sur le vieilch Ste-Veuve
« Ne soit pas, entre nous, très goûté
chez la Beuve. »
Mais tant pis. Genstil vous allez me
renboyer cette lettre et n’en dire mot
à qui que ce soit. J’ai beaucoup de sympathie
pour l’E (moins que pour Metmata)
de plus elle a été fort gentille et cela me


6


ferait beaucoup de peine s’il lui
revenait que j’ai fait ces plaisanteries
d’autant plus que je l’ai remerciée avec
prosternement. Or la Winaretta trou
verait cette histoire sur « la vigne » tout
à fait dans sa voix et la répéterait, la
Nlle Mise de Riponà qui j’ai envoyé des livres mais je ne lui
écris pas car je ne sais que lui dire,
qui déteste l’E et
aime Montesquiou la lui narrerait
et dans les cinq minutes l’E serait
avertie car Montesquiou maintenant qd
quelqu’un laisse échapper un mot contre
une autre personne le lui écrit instanta
nément
. Donc mystère, je m’épanche
avec vous comme je faisais avec Maman.
Mais elle ne racontait rien. Je ne
ferai plus demander de nouvelles de Madrazo
puisqu’il sort. Mais dites à votre sœur,
à lui et à Coco que je faisais demander chez vous

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pour ne pas déranger mais que
je ne me suis pas désintéressé !
Ils doivent le croire.

Genstil Ste Geuve s’appellera

ou bien

« Contre Sainte Beuve ». Souvenir d’une matinée, ou
les Sept jeunes filles

ou bien

Quand les yeux se sont habituées à l’obscurité

Ou alors si je fais paraître en même temps les Plai-
sirs et les Jours
, ils ne s’appelleront plus les Plaisirs
et les Jours
mais « Premières années dans la Société
et dans la Solitude »
et Ste Geuve s’appellera
alors « Le Retour à la Solitude ».

Enfin je ne sais quelle épigraphe portera
Ste Beuve j’hésite entre

«  Je suis la Résurrection et la Vie  »

ou

« Paris est si petit », ou « Souvent un
beau désordre est un effet de l’art
 » . — . Comme
tout cela doit vous intéresser !

Hasgueu.

Surlignage

Bonjour, Metmata

Bunibuls comme rien n’est plus commode et « à proximité » comme bibliothèque qu’un lit quand on ne se lève pas, je relis tout le temps « faute d’autre chose » (non, buncht, par prédilection) vos divins articles dont l’esprit m’enivre, la rosserie me donne des transes et le talent une jalousie infinie mais sans aigreur. Buncht, étranges relations cette semaine avec « l’Elisabeth ». Je reçois l’autre jour sous une même enveloppe deux lettres. L’une du secrétaire de la dite me disant que « Madame la Comtesse a la plus profonde admiration pour mon talent (!) et que si j’écrivais quelques lignes sur Bagatelle, les personnes qui pensent m’en sauraient gré » etc. L’autre lettre de l’Elisabeth me disant que ... la même chose et d’écrire quelques lignes comme je le sens c’est-à-dire « exquisement poétiques ». Peu habitué aux éloges même intéressés je vous redis ceux-ci tout au long en ajoutant même un peu. Là-dessus refus navré de moi mais ma santé, ai refusé à d’ autres personnes etc. Que croyez-vous que fait l’Elisabeth. Qu’elle insiste ? nullement. Elle comprend mes raisons et m’envoie ..... une vigne, une magnifique vigne d’où pendent des raisins à flots. Et me dit que si je suis encore souffrant ces jours-ci elle viendra me voir quand je voudrai, que je lui dise heure et jour « espérant vous trouver à la hauteur de votre vaillance ». (?)

La lettre était fort littéraire avec des mots tels que : « symbole parlant  ». Mais parlant de la vigne elle disait : « acceptez là » avec un accent grave qui m’a paru surtout grave pour elle et qui est lui aussi un « symbole parlant ».... Quant à la vigne comme ici bas les plus belles choses ont le pire destin , comme dit à peu près Malherbe, je l’envoie à Marie Nordlinger. Il est probable qu’elle croirait qu’une carte postale a plus de valeur. Je voulais y joindre quelques roses pour mettre le vers de Gérard « Le pampre à la rose s’allie » mais j’ai réfléchi que celui de Mallarmé « Quand des raisins j’ai sucé la clarté » ferait autant d’effet et serait plus économique puisqu’il ne nécessite pas de roses, et que les raisins y sont.

Genstil « je crains que mon roman sur le vieilch Ste-Veuve ne soit pas, entre nous, très goûté chez la Beuve. » Mais tant pis. Genstil vous allez me renboyer cette lettre et n’en dire mot à qui que ce soit. J’ai beaucoup de sympathie pour l’Elisabeth (moins que pour Metmata) de plus elle a été fort gentille et cela me ferait beaucoup de peine s’il lui revenait que j’ai fait ces plaisanteries d’autant plus que je l’ai remerciée avec prosternement. Or la Winaretta trouverait cette histoire sur « la vigne » tout à fait dans sa voix et la répéterait, la nouvelle Marquise de Riponà qui j’ai envoyé des livres mais je ne lui écris pas car je ne sais que lui dire, qui déteste l’Elisabeth et aime Montesquiou la lui narrerait et dans les cinq minutes l’Elisabeth serait avertie car Montesquiou maintenant quand quelqu’un laisse échapper un mot contre une autre personne le lui écrit instantanément. Donc mystère, je m’épanche avec vous comme je faisais avec Maman. Mais elle ne racontait rien. Je ne ferai plus demander de nouvelles de Madrazo puisqu’il sort. Mais dites à votre sœur, à lui et à Coco que je faisais demander chez vous pour ne pas déranger mais que je ne me suis pas désintéressé ! Ils doivent le croire.

Genstil Ste Geuve s’appellera

ou bien

« Contre Sainte Beuve ». Souvenir d’une matinée, ou les Sept jeunes filles

ou bien

Quand les yeux se sont habitués à l’obscurité

Ou alors si je fais paraître en même temps les Plaisirs et les Jours, ils ne s’appelleront plus les Plaisirs et les Jours mais « Premières années dans la Société et dans la Solitude » et Ste Geuve s’appellera alors « Le Retour à la Solitude ».

Enfin je ne sais quelle épigraphe portera Ste Beuve j’hésite entre

«  Je suis la Résurrection et la Vie  »

ou

« Paris est si petit », ou « Souvent un beau désordre est un effet de l’art  » .

Comme tout cela doit vous intéresser !

Hasgueu.

Note n°1
Proust rédige cette lettre peu après une autre lettre à la comtesse Greffulhe (CP 01998 ; Kolb, IX, nº 73) datée « Vendredi » de sa main, qu’un ensemble d’éléments permet de dater avec précision du vendredi [16 juillet 1909]. Comme il raconte ici à Reynaldo Hahn son échange de lettres avec cette dernière « cette semaine », il doit écrire samedi ou dimanche [le 17 ou 18 juillet 1909]. Sur la datation, voir aussi les notes 15 et 16. — Ph. Kolb nʼa publié que les pages 1 à 6 de cette lettre, correspondant à trois feuillets retrouvés dans les papiers de Reynaldo Hahn. Le dernier feuillet, paginé « 7 » de la main de Proust, a quant à lui été retrouvé parmi les papiers de lʼécrivain après sa mort. Bien que Proust demande à Hahn de lui « renboyer cette lettre », les six pages publiées par Kolb, étant donné leur provenance, ne semblent pas avoir été renvoyées par le destinataire ; mais la provenance du feuillet manquant paginé « 7 » établit hors de tout doute que Hahn, s’il a bien reçu ce dernier feuillet, ne l’a pas gardé. Comme les trois feuillets publiés par Kolb, le feuillet retrouvé comporte au milieu une trace de pliure, ce qui suggère qu’il a bien été inséré dans une enveloppe et expédié. Il est possible que Reynaldo Hahn ait renvoyé le dernier feuillet à Proust, ou encore qu’il le lui ait rapporté en personne lors d’une visite. Il n’est cependant pas exclu que Proust ait conservé par-devers lui le feuillet après l’avoir plié, sans l’envoyer. Voir F. Proulx, « Une page retrouvée de la lettre à Reynaldo Hahn du [17 ou 18 juillet 1909] », BIP, 2025. [PK, FP, JA]
Note n°2
Proust ne distingue pas clairement entre a et e, ce qui nous empêche de savoir s’il a écrit « Metmata » ou « Matmeta ». [PK, FL]
Note n°3
On peut trouver des exemples dʼarticles publiés par Reynaldo Hahn à cette époque dans Fémina, périodique auquel il collabore depuis 1908 ; voir la lettre à Reynaldo Hahn datée du [jeudi 6 août 1908] (CP 01853 ; Kolb, VIII, n° 109, note 14). Depuis le 1er juin 1909, il publie également des articles dans le Journal ; voir la lettre à Reynaldo Hahn du [5 juin 1909] (CP 01981 ; Kolb, IX, n° 56, note 3). Dans un projet dʼarticle consacré à Reynaldo Hahn (non publié de son vivant), Proust le décrit comme un « écrivain de réel mérite » et ajoute à propos de sa critique dans le Journal qu’il [l’] exerce avec « infiniment de goût, d’autorité et d’éclat » (Essais, p. 411-412). [PK, FL, JA]
Note n°4
Lettre non retrouvée. [JA]
Note n°5
Il s’agit de la fête de Bagatelle organisée par la Société des Grandes Auditions de France, sous la présidence de la comtesse Greffulhe, le samedi 17 juillet 1909 (« Le Monde & la Ville », Le Figaro, 19 juillet 1909, p. 2). — En 1902 ou 1903, Proust avait écrit un article sur le salon de la comtesse Greffulhe dont elle avait interdit la publication ; voir la lettre à Antoine Bibesco du jeudi [16 avril 1903] (CP 00789 ; Kolb, III, n° 166 et note 11). Un brouillon de cet article a été publié par Laure Hillerin (La comtesse Greffulhe. L’ombre des Guermantes, Flammarion, 2014, p.459-465 ; voir aussi Essais, p. 368-375). [JA]
Note n°6
Lettre non retrouvée. [JA]
Note n°7
Voir la lettre de Proust à Mme Greffulhe datée de [peu avant le 15 juillet 1909] (CP 01997 ; Kolb, IX, n° 72). [PK, JA]
Note n°8
Allusion aux « Stances à monsieur du Périer, sur la mort de sa fille » (1599), de François de Malherbe : « Mais elle était du monde, où les plus belles choses / Ont le pire destin, / Et, rose, elle a vécu ce que vivent les roses, / L’espace d’un matin. » (Poésies, XI, vers 13 à 16, quatrième strophe). [PK]
Note n°9
Marie Nordlinger, cousine de Reynaldo Hahn, avait travaillé avec Proust sur ses traductions de Ruskin. [PK, JA]
Note n°10
Allusion au poème « El Desdichado » (Les Chimères, 1854) de Gérard de Nerval. « Dans la nuit du tombeau, toi qui m’as consolé, / Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie, / La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé, / Et la treille où le pampre à la rose s’allie ». Proust cite ce même vers dans une de ses lettres à Marie Williams (Lettres à sa voisine, édition de J.-Y. Tadié, Gallimard, 2013, p. 27). [PK, JA]
Note n°11
Il s’agit de la septième strophe de « L’Après-Midi d’un Faune » (1876) de Mallarmé : « Ainsi, quand des raisins j’ai sucé la clarté, / Pour bannir un regret par ma feinte écarté, / Rieur, j’élève au ciel d’été la grappe vide [...] ». [PK]
Note n°12
« Sainte-Veuve », par métathèse, pour Sainte-Beuve. Voir la note 19. [PK]
Note n°13génétique
« La Beuve », par métathèse, pour La Veuve, surnom qui dans la correspondance de Proust et Hahn désigne Madeleine Lemaire, un des modèles de Mme Verdurin. Son nom apparaît dans une note du Cahier 31 qui énumère différents modèles possibles : « Ne pas oublier les Verdurin (Ménard, Lemaire, Thomson, Derbanne, appartt) » (Cahier 31, f. 14 r). À cette période, Proust rédige les Cahiers 31, 7 et 6 qui contiennent plusieurs morceaux sur les Verdurin. En août 1909, il note dans le Carnet 1 : « Pas si ridicule le petit noyau des Verdurin. » (Carnet 1, f. 39r ; Cn, p. 99). [PK, FL, JA]
Note n°14
Voir la lettre de Proust à Mme Greffulhe du [16 juillet 1909] (CP 01998 ; Kolb, IX, n° 73). [PK]
Note n°15
Le lundi 19 juillet 1909, Reynaldo Hahn est à Londres ; dʼaprès un compte rendu mondain, la princesse Edmond de Polignac (née Winnaretta Singer) « a donné, lundi dernier, en son hôtel à Londres, une petite matinée musicale très intime, mais très intéressante » où plusieurs œuvres de Reynaldo Hahn étaient au programme, chantées par le compositeur lui-même (« Le Monde & la Ville », Le Figaro, 22 juillet 1909, p. 2). C’est certainement en connaissance de ce déplacement que Proust écrit à Hahn de lui renvoyer sa lettre et de « n’en dire mot à qui que ce soit ». [FP]
Note n°16
La comtesse de Grey était devenue marquise de Ripon par la mort de son beau-père, le 3 juillet 1909 (« on annonce de Londres la mort du marquis de Ripon à l’âge de quatre-vingt-deux ans », « Nécrologie », Le Gaulois, 11 juillet 1909, p. 2). [PK]
Note n°17
Raimundo de Madrazo y Garreta avait épousé en 1899 María Hahn, sœur du destinataire. Federico de Madrazo (dit Coco) est son fils, issu dʼun premier mariage. [PK, FP]
Note n°18
La version de la lettre publiée par Ph. Kolb sʼarrête ici. Voir la note 1. [FP]
Note n°19génétique
On découvre ici la plus ancienne mention du titre « Contre Sainte-Beuve » dans une lettre qui nous soit parvenue. Vers la [fin novembre ou la 1re quinzaine de décembre 1908], Proust confiait à Georges de Lauris avoir le projet dʼ« écrire quelque chose sur Sainte-Beuve », « deux articles » dont le second « débuterait par le récit dʼune matinée » (CP 01914 ; Kolb, VIII, nº 170 ; Lettres, nº 253), mais le mot « Contre » était absent de sa lettre. Le titre sera ensuite repris sous cette même forme (« Contre Sainte-Beuve, Souvenir d’une matinée ») dans une lettre à Alfred Vallette dʼ[un peu avant la mi-août 1909] (CP 02003 ; Kolb, IX, nº 78 ; Lettres, nº 273). C’est peut-être en août 1909, au moment où il rédige la lettre à Vallette pour lui proposer de publier son projet en cours (« j’aurais vivement souhaité que l’ouvrage parût d’abord en revue dans le Mercure, et alors si vous consentez à cela, peut’être du même coup consentiriez-vous à publier le livre ») que Proust demande à Reynaldo Hahn de lui renvoyer ou rapporter en main propre le dernier feuillet de la présente lettre, où il avait noté des titres potentiels. [FP]
Note n°20génétique
Allusion possible au livre d’Esther, où on lit : « La jeune fille [Esther] était belle de taille et belle de figure. À la mort de son père et de sa mère, Mardochée l’avait adoptée pour fille. Lorsqu’on eut publié l’ordre du roi [Assuérus] et son édit, et qu’un grand nombre de jeunes filles furent rassemblées [...], Esther fut aussi prise et conduite dans la maison du roi [...]. La jeune fille lui plut, et trouva grâce devant lui ; il s’empressa de lui fournir les choses nécessaires pour sa toilette et pour sa subsistance, lui donna sept jeunes filles choisies dans la maison du roi, et la plaça avec ses jeunes filles dans le meilleur appartement de la maison des femmes. Esther ne fit connaître ni son peuple ni sa naissance, car Mardochée lui avait défendu d’en parler. » (Esther, 2,7 à 2,10, trad. Louis Segond. Nous soulignons.) [FP]
Note n°21génétique
Allusion possible à une pièce de Maeterlinck, Les sept princesses (1891), dans laquelle le prince (Marcellus), de retour dans le château de sa famille, retrouve sept princesses endormies. Le motif des yeux (les yeux fermés des princesses et surtout la difficulté du prince à les voir) revient à de nombreuses reprises au cours de la pièce. La phrase de Proust nʼy figure pas, mais on trouve une phrase semblable : « Mes yeux ne sont pas encore faits à la lumière » (Maurice Maeterlinck, Les sept princesses, Bruxelles, 1891, Lacomblez, p. 34). Le titre « les sept jeunes filles » mentionné plus haut pourrait aussi faire référence à cette pièce. [JA]
Note n°22génétique
Le projet de rééditer Les Plaisirs et les Jours comme première partie d’un diptyque dont le « Contre Sainte-Beuve » romanesque du printemps-été 1909 serait la seconde nʼest mentionné dans aucune autre lettre de 1909 retrouvée à ce jour. Cette idée a-t-elle été envisagée sérieusement par Proust ? La mention, dans une lettre à Jean-Louis Vaudoyer de l’été 1910, d’une hypothétique réimpression des Plaisirs et les Jours (« si je réimprime le volume j’y laisserai des pages condamnées » ; CP 02129 ; Kolb, X, nº 77) ne semble pas vraiment aller dans ce sens. [FP]
Note n°23génétique
Allusion à Emerson, Society and Solitude (1870). Cet essai ne sera traduit en français par Marie Dugard qu’en 1911 (Ralph Waldo Emerson, Société et Solitude, trad. M[arie] Dugard, Paris, Armand Colin, 1911), mais Proust a pu en prendre connaissance par quelques passages traduits dans les Pages choisies publiées par celle-ci en 1908 (Lectures littéraires. Pages choisies des grands écrivains : Emerson, trad. et introd. M[arie] Dugard, Paris, Armand Colin, 1908). Dans le Carnet 1, on trouve des notes prises à partir d’un autre ouvrage, Ralph Waldo Emerson, sa vie et son œuvre, publié en 1907 par cette même spécialiste (M[arie] Dugard, Ralph Waldo Emerson, sa vie et son œuvre, Paris, Armand Colin, 1907 ; Carnet 1, f. 27v ; Cn, p. 79). Proust note aussi dans le même carnet, au début du mois dʼaoût 1909 : « ne pas oublier : Ecrivains solitude et Ecrivains société » (Carnet 1, f. 38r ; Cn, p. 97). [JA, FP]
Note n°24
Paroles de Jésus à Marthe (Jean 11, 25, trad. Louis Segond). Proust cite déjà lʼÉvangile selon Saint Jean en novembre et décembre 1908, dans deux lettres à Georges de Lauris à propos de son projet sur Sainte-Beuve (CP 01897 et CP 01911 ; Kolb, VIII, nº 153 et nº 167) : « Travaillez pendant que vous avez encore la lumière » (citation déformée de Jean 12, 35, « marchez pendant que vous avez la lumière »). [CSz, FP]
Note n°25
Cette idée reçue est peut-être citée d’après une pièce de boulevard ou une chanson de café-concert de l’époque, mais aucune attribution certaine ne semble possible. [FP]
Note n°26génétique
Citation déformée de LʼArt poétique de Boileau (1674). La citation exacte, au sujet de lʼode, est : « Chez elle un beau désordre est un effet de lʼart » (chant II, v. 72 ; Nicolas Boileau, Satires, Épîtres, Art Poétique, éd. Jean-Pierre Collinet, Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1985, p. 236). — Les trois épigraphes que Proust envisage dans la présente lettre, peut-être de façon désinvolte – tirées de l’Évangile selon saint Jean, dʼun traité de poétique du Grand Siècle, et possiblement d’une éphémère pièce de boulevard ou d’une chanson de café-concert de la Belle Époque – donnent à voir à la fois l’ambition grandissante de ce qu’il appelle déjà son « roman » et l’amplitude éclectique de ses sources. [CSz, FP]
Note n°27
Lecture conjecturale ; « Adieu », dans le « lansgage » qui caractérise la correspondance de Proust et Hahn. [FP]
Note
Marcel Proust Les Plaisirs et les Jours pubPlace publisher 1896


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Date de mise en ligne : September 17, 2024 15:18
Date de la dernière mise à jour : September 22, 2024 18:11
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