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CP 01761 Marcel Proust à Robert Dreyfus [entre le 25 et le 29 février 1908]

Surlignage

Je « rouvre » cette lettre oubliée ici pour te
dire que ton second article est exquis sans défauts (encore
un peu Lemaître, encore que , butte sacrée ). Comme cʼest intéres-
sant ! Si tu avais fait « comme si nous ne savions pas » exac-
tement lʼhistoire de cette foire, un peu dʼhistorique aurait
été bien agréable. Je ne tʼécrirai pas les autres fois parceque je suis
bien, bien fatigué mais je lirai cela avec bien de lʼintérêt. Ton
style est parfait, tu es le premier conférencier actuel !


Merci mille fois mon cher Robert.

Comment ce sont des conférences, cʼ
était parlé ? Quelle élocution !
Alors je retire mes critiques. Je
me réjouis beaucoup de lire cela tous
les Samedis.

Tout à toi


Marcel Proust

Je tʼécris très brièvement parceque
cela ne va pas !

Surlignage

Merci mille fois mon cher Robert.

Comment ce sont des conférences, cʼétait parlé ? Quelle élocution ! Alors je retire mes critiques. Je me réjouis beaucoup de lire cela tous les samedis.

Tout à toi

Marcel Proust

Je tʼécris très brièvement parce que cela ne va pas !

Je « rouvre » cette lettre oubliée ici pour te dire que ton second article est exquis sans défauts (encore un peu Lemaître, «  encore que  », «  butte sacrée  »). Comme cʼest intéressant ! Si tu avais fait « comme si nous ne savions pas » exactement lʼhistoire de cette foire, un peu dʼhistorique aurait été bien agréable. Je ne tʼécrirai pas les autres fois parce que je suis bien, bien fatigué mais je lirai cela avec bien de lʼintérêt. Ton style est parfait, tu es le premier conférencier actuel !

Note n°1
Proust écrit la présente lettre après avoir reçu de Robert Dreyfus une réponse à sa lettre dʼ[entre le 22 et le 24 février 1908] (CP 01759 ; Kolb, VIII, n° 15), probablement postée le 24 février, d’après le cachet postal dʼenvoi de l’enveloppe qui pourrait y être associée (CP 90026). En supposant que Dreyfus ait eu sa lettre dans la soirée mais quʼil nʼait pu y répondre aussitôt, il est possible quʼil répond à Proust le lendemain, le 25 février. Mais ayant oublié de faire poster sa lettre, Proust y ajoute un post-scriptum, peut-être dès le samedi 29 février 1908, jour de la publication du deuxième article de Dreyfus pour la série hebdomadaire « Petite histoire de la revue de fin d’année » dans le Supplément littéraire du Figaro (voir note 5). [PK, FL, ChC, NM]
Note n°2
Robert Dreyfus a dû féliciter Proust pour la première série de pastiches sur « l’Affaire Lemoine » (Balzac, Faguet, Michelet, Goncourt), parue le samedi 22 février 1908 dans le Supplément littéraire du Figaro, le même jour que la première tranche de son étude « Petite histoire de la revue de fin dʼannée ». Dreyfus répondait en même temps à la lettre de Proust dʼ[entre le 22 et le 24 février 1908] (CP 01759 ; Kolb, VIII, n° 15). [PK, FL]
Note n°3
Au sujet des « critiques » stylistiques que Proust avait formulées à propos de la première livraison de lʼétude de Robert Dreyfus, voir la lettre dʼ[entre le 22 et le 24 février 1908] (CP 01759 ; Kolb, VIII, n° 15). Proust semble finalement retirer ses critiques une fois que Dreyfus lui a expliqué, très probablement dans une lettre précédente, que la série « Petite histoire de la revue de fin d’année » était la transcription de conférences à l’École des hautes études sociales, ce qui aurait pu justifier lʼemploi de certaines tournures relevant du style parlé et/ou familier (entre autres, « cocasserie » ou « bon Littré » dans lʼarticle du 22 février). Le Figaro du 21 avril 1908, p. 1, annonce : « M. Robert Dreyfus vient de terminer le cours qu’il faisait à l’École des hautes études sociales sur l’histoire des revues de fin d’année et qui obtint auprès des lettrés et du public le plus vif succès […] ». Dans ses Souvenirs sur Marcel Proust, Dreyfus précise que, « pour [s]a défense », il avait « allégu[é] la rédaction hâtive » de ses feuilletons, mais, ajoute-t-il, Proust « rest[a] sceptique » (Paris, Grasset, 1926, p. 227). [PK, FL, ChC]
Note n°4
La suite de la série « Petite histoire de la revue de fin dʼannée » paraîtra en effet chaque samedi dans le Supplément littéraire du Figaro jusquʼau 6 juin 1908, sauf le samedi 2 mai. [PK]
Note n°5
Il est probable que Proust « rouvre » sa lettre oubliée et y ajoute ce post-scriptum le samedi 29 février 1908 (ou peu après), jour où paraît dans le Supplément littéraire du Figaro (p. 3) la deuxième tranche de la « Petite histoire de la revue de fin dʼannée » par Robert Dreyfus (voir note 1), comme lʼindiquent les allusions de Proust à certains fragments de cet article. [PK, ChC]
Note n°6
Proust fait allusion à cette phrase de lʼarticle de Dreyfus : « Voici, en 1758, un "Ambigu mêlé de Scènes, de Chants et de Danses", fantaisie du délicieux et facile Favart, qui est bien une "revue" véritable, encore quʼelle nʼen porte point le nom. » (« Petite histoire de la revue de fin dʼannée », art. cit. Nous soulignons.) La locution conjonctive Encore que exprimant une concession appartient à la langue soignée et littéraire (Littré, Le Robert). [PK, ChC]
Note n°7
« Mais Montmartre faisait déjà figure de colline sacrée. » (« Petite histoire de la revue de fin dʼannée », art. cit.) (Nous soulignons.) — La butte ou colline de Montmartre est désignée par l’épithète « sacrée » puisquʼelle fut un lieu voué au culte, d’abord des divinités gauloises et gallo-romaines, puis des saints chrétiens à la suite du martyre de saint Denis, premier évêque de Paris (Lutèce), au IIIe siècle, ce qui explique la double étymologie de « mont de Mars » et de « mont de Martyr » (martre signifiant « martyr » en ancien français) (source Wikipédia). Pour dʼautres reproches de Proust sur lʼimitation du style de Lemaître, voir sa lettre à Robert Dreyfus dʼ[entre le 22 et le 24 février 1908] : CP 01759 ; Kolb, VIII, n° 15. [PK, ChC]
Note n°8
Quand Proust utilise ici le mot générique « foire », il fait allusion au « théâtre de la Foire », une expression désignant les spectacles annuels donnés à Paris à l’occasion de la foire Saint-Germain, en hiver (entre le 3 février et le dimanche de la Passion), et de la foire Saint-Laurent, en été (entre le 9 août et le 29 septembre) (source Wikipédia), au sein desquels serait né le genre de la « revue ». Dans son article, Dreyfus explique que « La revue est née à Paris au dix-huitième siècle dans les charmantes petites "loges" ou baraques de la foire Saint-Laurent et de la foire Saint-Germain », et que pendant ce temps, « la rigueur des ordonnances asservissait les petites entreprises de la Foire, – Opéra-Comique ou autres, – à la suzeraineté implacable de lʼOpéra, de la Comédie Française, et même à la Comédie Italienne de la rue Mauconseil, dont la troupe avait droit au titre de "comédiens ordinaires du roi", avec quinze mille livres de pension. » (« Petite histoire de la revue de fin dʼannée », art. cit.) [PK, ChC]
Note
Robert Dreyfus Le Figaro. Supplément littéraire Petite histoire de la revue de fin dʼannée / II 29 février 1908


Mots-clefs :élogeépistolaritélanguelecturessanté
Date de mise en ligne : March 1, 2024 15:00
Date de la dernière mise à jour : June 18, 2024 07:03
Surlignage

Je « rouvre » cette lettre oubliée ici pour te
dire que ton second article est exquis sans défauts (encore
un peu Lemaître, encore que , butte sacrée ). Comme cʼest intéres-
sant ! Si tu avais fait « comme si nous ne savions pas » exac-
tement lʼhistoire de cette foire, un peu dʼhistorique aurait
été bien agréable. Je ne tʼécrirai pas les autres fois parceque je suis
bien, bien fatigué mais je lirai cela avec bien de lʼintérêt. Ton
style est parfait, tu es le premier conférencier actuel !


Merci mille fois mon cher Robert.

Comment ce sont des conférences, cʼ
était parlé ? Quelle élocution !
Alors je retire mes critiques. Je
me réjouis beaucoup de lire cela tous
les Samedis.

Tout à toi


Marcel Proust

Je tʼécris très brièvement parceque
cela ne va pas !

Surlignage

Merci mille fois mon cher Robert.

Comment ce sont des conférences, cʼétait parlé ? Quelle élocution ! Alors je retire mes critiques. Je me réjouis beaucoup de lire cela tous les samedis.

Tout à toi

Marcel Proust

Je tʼécris très brièvement parce que cela ne va pas !

Je « rouvre » cette lettre oubliée ici pour te dire que ton second article est exquis sans défauts (encore un peu Lemaître, «  encore que  », «  butte sacrée  »). Comme cʼest intéressant ! Si tu avais fait « comme si nous ne savions pas » exactement lʼhistoire de cette foire, un peu dʼhistorique aurait été bien agréable. Je ne tʼécrirai pas les autres fois parce que je suis bien, bien fatigué mais je lirai cela avec bien de lʼintérêt. Ton style est parfait, tu es le premier conférencier actuel !

Note n°1
Proust écrit la présente lettre après avoir reçu de Robert Dreyfus une réponse à sa lettre dʼ[entre le 22 et le 24 février 1908] (CP 01759 ; Kolb, VIII, n° 15), probablement postée le 24 février, d’après le cachet postal dʼenvoi de l’enveloppe qui pourrait y être associée (CP 90026). En supposant que Dreyfus ait eu sa lettre dans la soirée mais quʼil nʼait pu y répondre aussitôt, il est possible quʼil répond à Proust le lendemain, le 25 février. Mais ayant oublié de faire poster sa lettre, Proust y ajoute un post-scriptum, peut-être dès le samedi 29 février 1908, jour de la publication du deuxième article de Dreyfus pour la série hebdomadaire « Petite histoire de la revue de fin d’année » dans le Supplément littéraire du Figaro (voir note 5). [PK, FL, ChC, NM]
Note n°2
Robert Dreyfus a dû féliciter Proust pour la première série de pastiches sur « l’Affaire Lemoine » (Balzac, Faguet, Michelet, Goncourt), parue le samedi 22 février 1908 dans le Supplément littéraire du Figaro, le même jour que la première tranche de son étude « Petite histoire de la revue de fin dʼannée ». Dreyfus répondait en même temps à la lettre de Proust dʼ[entre le 22 et le 24 février 1908] (CP 01759 ; Kolb, VIII, n° 15). [PK, FL]
Note n°3
Au sujet des « critiques » stylistiques que Proust avait formulées à propos de la première livraison de lʼétude de Robert Dreyfus, voir la lettre dʼ[entre le 22 et le 24 février 1908] (CP 01759 ; Kolb, VIII, n° 15). Proust semble finalement retirer ses critiques une fois que Dreyfus lui a expliqué, très probablement dans une lettre précédente, que la série « Petite histoire de la revue de fin d’année » était la transcription de conférences à l’École des hautes études sociales, ce qui aurait pu justifier lʼemploi de certaines tournures relevant du style parlé et/ou familier (entre autres, « cocasserie » ou « bon Littré » dans lʼarticle du 22 février). Le Figaro du 21 avril 1908, p. 1, annonce : « M. Robert Dreyfus vient de terminer le cours qu’il faisait à l’École des hautes études sociales sur l’histoire des revues de fin d’année et qui obtint auprès des lettrés et du public le plus vif succès […] ». Dans ses Souvenirs sur Marcel Proust, Dreyfus précise que, « pour [s]a défense », il avait « allégu[é] la rédaction hâtive » de ses feuilletons, mais, ajoute-t-il, Proust « rest[a] sceptique » (Paris, Grasset, 1926, p. 227). [PK, FL, ChC]
Note n°4
La suite de la série « Petite histoire de la revue de fin dʼannée » paraîtra en effet chaque samedi dans le Supplément littéraire du Figaro jusquʼau 6 juin 1908, sauf le samedi 2 mai. [PK]
Note n°5
Il est probable que Proust « rouvre » sa lettre oubliée et y ajoute ce post-scriptum le samedi 29 février 1908 (ou peu après), jour où paraît dans le Supplément littéraire du Figaro (p. 3) la deuxième tranche de la « Petite histoire de la revue de fin dʼannée » par Robert Dreyfus (voir note 1), comme lʼindiquent les allusions de Proust à certains fragments de cet article. [PK, ChC]
Note n°6
Proust fait allusion à cette phrase de lʼarticle de Dreyfus : « Voici, en 1758, un "Ambigu mêlé de Scènes, de Chants et de Danses", fantaisie du délicieux et facile Favart, qui est bien une "revue" véritable, encore quʼelle nʼen porte point le nom. » (« Petite histoire de la revue de fin dʼannée », art. cit. Nous soulignons.) La locution conjonctive Encore que exprimant une concession appartient à la langue soignée et littéraire (Littré, Le Robert). [PK, ChC]
Note n°7
« Mais Montmartre faisait déjà figure de colline sacrée. » (« Petite histoire de la revue de fin dʼannée », art. cit.) (Nous soulignons.) — La butte ou colline de Montmartre est désignée par l’épithète « sacrée » puisquʼelle fut un lieu voué au culte, d’abord des divinités gauloises et gallo-romaines, puis des saints chrétiens à la suite du martyre de saint Denis, premier évêque de Paris (Lutèce), au IIIe siècle, ce qui explique la double étymologie de « mont de Mars » et de « mont de Martyr » (martre signifiant « martyr » en ancien français) (source Wikipédia). Pour dʼautres reproches de Proust sur lʼimitation du style de Lemaître, voir sa lettre à Robert Dreyfus dʼ[entre le 22 et le 24 février 1908] : CP 01759 ; Kolb, VIII, n° 15. [PK, ChC]
Note n°8
Quand Proust utilise ici le mot générique « foire », il fait allusion au « théâtre de la Foire », une expression désignant les spectacles annuels donnés à Paris à l’occasion de la foire Saint-Germain, en hiver (entre le 3 février et le dimanche de la Passion), et de la foire Saint-Laurent, en été (entre le 9 août et le 29 septembre) (source Wikipédia), au sein desquels serait né le genre de la « revue ». Dans son article, Dreyfus explique que « La revue est née à Paris au dix-huitième siècle dans les charmantes petites "loges" ou baraques de la foire Saint-Laurent et de la foire Saint-Germain », et que pendant ce temps, « la rigueur des ordonnances asservissait les petites entreprises de la Foire, – Opéra-Comique ou autres, – à la suzeraineté implacable de lʼOpéra, de la Comédie Française, et même à la Comédie Italienne de la rue Mauconseil, dont la troupe avait droit au titre de "comédiens ordinaires du roi", avec quinze mille livres de pension. » (« Petite histoire de la revue de fin dʼannée », art. cit.) [PK, ChC]
Note
Robert Dreyfus Le Figaro. Supplément littéraire Petite histoire de la revue de fin dʼannée / II 29 février 1908


Mots-clefs :élogeépistolaritélanguelecturessanté
Date de mise en ligne : March 1, 2024 15:00
Date de la dernière mise à jour : June 18, 2024 07:03
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